Les vampires existent.

Dans la terminologie con-sacrée on appelle ça un pervers narcissique ou PN . C’est le type même de personnalité qui va vous les briser menu avec un acharnement et un plaisir admirable. Reconnu depuis quelques années, toute une littérature plus ou moins spécialisée s’est développée pour apprendre au quidam à le reconnaître et à s’en protéger. Ainsi l’on peut trouver de nombreux ouvrages traitant du harcèlement moral, de la manipulation ou encore de la prédation mentale. Mais jamais le PN n’a été aussi bien cerné, décrit et illustré qu’à l’aide d’un dessin de Sempé. Avec une surprenante économie de moyens, le satiriste nous fait comprendre l’essentiel de ce que peut être une relation avec un pervers qui s’admire. Voici donc cette image limpide et pleine de justesse.

Un pervers narcissique c’est cela : quelqu’un qui ne va bien que lorsque les autres autour de lui flétrissent. Un pénible qui attendra que tu aies fini ton château de cartes pour claquer la porte par inadvertance, qui va te travailler à l’ancienne, patiemment, c’est à dire à l’usure, insidieusement. Voyez avec quelle subtilité il se fera passer ensuite, quoi qu’il advienne pour la victime expiatoire et innocente de l’affaire. Parce qu’un PN c’est un artiste de la jérémiade, de la larme de crocodile, c’est un acteur né pour le pathos. Spécialiste de l’agir et du faire agir, il manie avec génie l’insinuation assassine et distille le fiel comme un véritable alchimiste. En un mot il va vous en faire baver des ronds de chapeaux jusqu’à ce que vous n’en puissiez plus.

Loin de mon propos le délire paranoïaque qui m’en ferait voir à tous les coins de rue, je dois préciser que comme tous les vrais artistes, le pervers narcissique, quoique répandu, ne se rencontre pas à tous les coins de rue (fort heureusement). Un brin de connardise cruelle se rencontre périodiquement chez tout un chacun ( oui même chez vous ). Ce qui fait sortir le PN du lot c’est qu’il est un systématique, un opiniâtre, un maniaque de la vanne en demi-teinte. Il est également suffisamment malin pour la plupart du temps, ne pas se laisser démasquer, ne pas laisser de traces trop visibles donc pénalisables. Il s’arrange pour avoir l’air de ne pas y toucher et ses connaissances le trouvent en général bien comme il faut. Il est souvent bon citoyen et travailleur efficace (bien que peu aimé par ses subordonnés). Il est un vampire car il travaille dans l’ombre, dans l’intimité des portes sont closes là où nul regard extérieur ne risque de troubler ses plans. Il se peut même que si vous en fréquentiez un, vous doutiez de sa malfaisance, lui trouviez mille et une excuses et finissiez par considérer que c’est vous-même qui avez un problème. Pas simple à reconnaître comme salopard. A l’instar des termites qui attaquent le bois, le PN se repaît et grignote lentement votre force de vie, il vous étouffe petit à petit en vous plongeant dans un climat incolore, trouble, paradoxal et surtout impensable.

A ce point de l’exposé vous vous demandez certainement comment faire pour se débarrasser d’une telle créature, comment lutter contre ses agissements ? Faites comme pour un vampire, placez-vous dans la lumière du soleil, rendez-vous un lieu sacré, inviolable, ne croyez ni ce qu’il vous donne à voir, ni ce qui sort de sa bouche. Eloignez-vous, car pour vous vider de votre substance vitale, un nécrophage doit être en contact avec vous. Ne vous sous-estimez pas car aussi puissant qu’il soit, un vampire n’en reste pas moins mort et son champ d’action se borne au domaine de l’inerte. Le territoire de la vie et de la jouissance lui est étranger, éternellement interdit. Alors bougez, respirez, riez et surtout vivez. En face d’Eros tous les fantômes se dissolvent.

One Response to “Les vampires existent.”

  1. Ouep, j’ai testé. Ahurissant comme l’égo en prend un coup lorsqu’on se rend compte de ce qu’on a rencontré, et de ce qu’on a remis en question, et comment la terre s’est ouverte sous nos pieds avant de réagir. Mais ça met sacrément du temps, et franchement, je ne sais pas si tu connais des gens qui ont réussi à renifler l’affaire avant de s’être fait avoir jusqu’au trognon, mais moi, grande naïve, je ne savais pas que ça existait des choses pareilles! Bon, l’avantage, c’est qu’après s’être remis debout, on les flaire à 10 bornes ce genre de zozos, et je crois bien qu’on ne m^y reprendra plus d’être si gentille.
    Le seul et unique remède? Prendre ses jambes à son coup. Yep.

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